Lizzy est un petit bout de femme, anglaise, ayant grandi dans les faubourgs de Londres, qui un jour de sa tendre enfance tombe amoureuse de la montagne après un voyage familial à Zermatt en Suisse – Un choc irréversible qui la mènera toujours plus loin, toujours haut dans l’exploration de sa passion : se perdre en montagne dans une simplicité aventureuse à la fois touchante et effrayante.
Mais qui est Lizzy?
C’est un peu le sens de ce livre finalement : une quête de soi, une quête de sens au travers de la place que tient la course à pied dans sa vie. Qui est Lizzy et pourquoi court-elle ?
Lizzy se présente au départ de l’Ultra Trail du Mont Blanc au cœur du mois d’août 2005, à une époque où il était encore possible de s’inscrire sans passer par le complexe filtrage aujourd’hui mis en place. Elle a 29 ans et n’a pas d’autre expérience que sa passion de la course et ses explorations en montagne façon Chèvre de Monsieur Seguin attisée par la curiosité …
… et elle gagne !!! Elle réitèrera l’exploit quatre autres fois, faisant d’elle l’athlète féminine la plus titrée de l’UTMB.
Lizzy ne s’arrête pas là pour autant. En 2005, elle s’aligne sur un 40 miles sur piste au Pays de Galles, juste comme ça, pour voir. Elle ne gagne pas mais se fait repérer par le sélectionneur de l’équipe britannique de 100 km qui la prend sous son aile et l’emmène directement aux championnats du monde de la discipline. Elle arrive en Corée du Sud sans aucune expérience, ni préparation spécifique …
… et elle gagne !!! Au grand dam des spécialistes de longue date qui voient en elle une arriviste, suscitant ainsi convoitise et jalousie.
Quand on fait 100 kms en 7h30, forcément on se demande combien de kilomètres on peut faire en 24h . Si vous ne connaissez pas les courses de 24h, petite présentation expresse : imaginez une boucle de 1km, toujours la même, à parcourir le plus grand nombre de fois possible. Vous vous arrêtez quand vous vous voulez, vous repartez à l’allure que vous voulez, quand vous voulez, seul compte le nombre final de kilomètres réalisés dans le temps imparti. Une épreuve de dingue, un supplice mental encore plus que physique qui vous pousse dans les plus profonds recoins de votre être. Lizzy s’aligne aux championnats du Commonwealth en 2011 …
… et réalise 247 km !!! battant ainsi le record du monde féminin, là encore sans préparation spécifique, ni expérience.
Continuons dans la démesure … à force de voyages au Népal et d’envies d’exploration, Lizzy tombera amoureuse de cette région sauvage et reculée du globe et réalisera trois fois l’épopée Camp de base de l’Everest (à plus de 5000m d’altitude) jusqu’à Katmandou, la capitale du Népal, soit 320 km avec 10000m de dénivelé positif et 14000m de dénivelé négatif. Aujourd’hui son record de 63h tient toujours !!!
Quo non ascendes Lizzy ?
Oui Lizzy, jusqu’où n’iras-tu pas ? Rien ne semble t’arrêter, toi la surdouée de l’endurance. Et pourtant …
Et pourtant … en 2012, alors que Lizzy se prépare pour battre son record sur 24h, une fracture de fatigue l’arrête net dans sa progression fulgurante, elle qui enchaîne les ultras tous les 15 jours. Elle prend son mal en patience et revient vite et fort pour prendre le départ d’un nouvel UTMB. Elle s’impose un programme ahurissant, outrepasse la douleur et parvient à être prête juste à temps, si ce n’est cette nouvelle douleur apparue dans l’autre pied qui vient troubler sa sérénité. Lizzy gamberge, multiplie les sorties pour se rassurer mais jette l’éponge la veille du départ, la mort dans l’âme … trop douloureux … une deuxième fracture de fatigue est diagnostiquée .Et c’est le début d’une lente descente aux enfers : en 5 ans, elle va enchainer les fractures de fatigue. Six au total. Lizzy n’est plus que l’ombre d’elle-même. Mais qui est Lizzy si elle ne court plus ? C’est en fait toute l’essence de ce livre : une quête d’identité, une quête de sens et de valeurs. Peut-on se passer de course à pied quand on en a été accro comme elle l’a été ? Que reste-t-il après quand tout s’arrête ?
Lizzy avait imaginé ce livre comme une ode à l’endurance. Elle l’a finalement écrit comme un témoignage émouvant d’un météore qui s’est brûlé les ailes en voulant tutoyer ardemment le firmament.
Au-delà de qualité d’écriture et de la singularité du témoignage, c’est aussi le premier vrai retour d’un coureur élite sur les conséquences potentiellement néfastes d’une discipline extrêmement exigeante. On voit déjà beaucoup d’étoiles disparaitre du jour au lendemain sans savoir ce qu’elles deviennent. Lizzy en toute honnêteté se confie sur son parcours et nous met en garde sans complaisance sur la tendance du toujours plus dans la pratique de l’ultra. Et vous pourquoi vous courez ?
Morceaux choisis
A propos de la magie de l’ultra :
« Concentration et attention, effort et détermination. Voilà ce qui permet de réaliser les rêves, de donner du sens à ce qu’on a envie ou besoin de faire. […] Quand on fait preuve de curiosité, de persévérance et d’humilité, quand le cœur, l’esprit et la volonté sont en accord, la magie peut commencer à opérer. […] C’est par essence une identification totale à ce qu’on accomplit. »
A propos du « voyage d’accomplissement » comme elle le nomme elle-même, lorsqu’elle doit faire avec son corps qui la lâche irrémédiablement :
Je pensais savoir ce qu’est l’humilité, mais je sais maintenant que ça n’a rien à voir avec la modestie qui est un choix que je vis plus ou moins bien. Je suis humaine. La véritable humilité n’est pas un choix. C’est ce qui reste quand je suis anéantie, quand je suis dépouillée, quand mes rêves sont brisés, quand ce que j’ai bâti s’effondre et qu’il faut tout recommencer.
En conclusion
Lizzy nous livre un témoignage poignant, inspirant, de quelqu’un qui a vécu sa passion jusqu’à l’excès et l’assume. Le livre est très bien écrit, alternant récits de course, considérations philosophiques et questionnements métaphysiques. A la lecture des derniers mots, j’avais envie de lui prendre la main et de lui dire MERCI !
Merci Lizzy ! Prend soin de toi ! Namaste, Didi ! Namaste !