La dynamique du MBTI appliquée à la course à pied

Dans l’article précédent, nous avons vu comment un modèle de personnalité (le MBTI) et sa modélisation des principaux tempéraments pouvait nous éclairer sur notre pratique de la course à pied, sur nos atouts et nos freins. Toutefois cette vision était statique et partait du principe qu’à une personne correspond un type, donc une personnalité et un tempérament, figés dans le marbre et dans le temps. La réalité est un peu plus complexe et Carl Jung, dans sa théorie des types, avait intégré une notion évolutive : nous sommes libres d’exprimer chacune des dimensions comme bon nous semble à condition d’en être conscient. En d’autres termes, quelqu’un de naturellement intuitif peut très bien développer une perception par ses cinq sens avec le temps et de l’entrainement. Et réciproquement.

Aujourd’hui, nous allons donc introduire une dimension supplémentaire du modèle MBTI : les 8 fonctions cognitives et leur dynamique, clé de voûte de la théorie des types de Jung. Et nous allons ensuite étudier leurs déclinaisons dans notre pratique de la course à pied.

Petit avertissement : si vous n’êtes pas familier avec le modèle MBTI ou si vous n’avez pas digéré le précédent article, je vous invite à le relire avant de poursuivre sinon vous allez pagayer un peu

Qu’est-ce qu’une fonction MBTI?

Rappelez-vous les quatre dimensions avec pour chacun deux lettres :

  • Extraverti / Introverti (E/I) : notre monde préféré, celui dans lequel nous allons pour nous ressourcer. Jung le définir comme un processus mental invisible.
  • Sensitif / iNtuitif (S/N) : notre mode de perception du monde pour collecter les données. C’est un comportement visible d’après Jung.
  • Pensée / Sentiment (T/F) : notre mode de jugement  du monde pour traiter les données et prendre des décisions. C’est un comportement visible.
  • Organisé / Adaptable (J/P) : notre façon de passer à l’action. Jung nous dit qu’il définit lequel de nos deux comportements visibles nous préférons dans le monde extérieur. Même en étant introverti, soit la perception, soit le jugement est tourné vers le monde extérieur. C’est un processus mental invisible.

Voici un petit résumé en image avec le type INTP :

D’après Jung, une fonction cognitive est un comportement visible qui trouve sa source dans le monde intérieur (introversion) ou extérieur (extraversion). Chacune de ces fonctions détermine ce que l’on sait le mieux faire et ce qui nous pose le plus problème. Nous avons donc une propension naturelle à agir de manière déterministe en accord avec nos talents.

Pour lister très concrètement ces fonctions, il faut prendre chacune des lettres 2 et 3 et de lui apposer une orientation introvertie (I) ou extravertie (E). On obtient ainsi 8 fonctions différentes :

  • Sensation Introvertie (Si) : c’est une fonction de synthèse des informations récoltées pour remplir une mission donnée. Elle m’apporte de la précision et m’incite à respecter les règles.
  • Sensation Extravertie (Se) : elle me pousse à amasser et accumuler des informations concrètes dans le monde extérieur comme le ferait une détective privé.
  • Intuition Introvertie (Ni) : elle me permet une synthèse des connexions abstraites réalisées pour mener à bien une mission.
  • Intuition Extravertie (Ne) : grâce à elle, je cherche à amasser et accumuler les connexions abstraites dans le monde pour une plus grande connaissance conceptuelle.
  • Pensée Introvertie (Ti) : je construis ma logique personnelle et comme j’ai forcément raison, les autres ont tort et sont des idiots (ce n’est pas la fonction la plus tolérante ).
  • Pensée Extravertie (Te) : j’ai besoin de faire valider ma logique de pensée par les autres et confronte mon point de vue avec le reste du monde (fonction qui incite au débat et à la rhétorique).
  • Sentiment Introverti (Fi) : j’ai des valeurs fondatrices très fortes qui sont les bonnes et celles des autres ne me conviennent pas. Et je fais en sorte de ne pas montrer mes sentiments aux autres (pas une fonction très ouverte non plus ).
  • Sentiment Extraverti (Fe) : je veux que mes valeurs soient validées par le reste du monde … et ce serait tellement chouette que tout le monde m’aime (fonction altruiste qui peut parfois mener à la dépendance affective).

Le développement des fonctions au cours de la vie

Nous n’allons pas développer les 8 fonctions de la même manière. Nous allons même nous contenter d’en faire croître tout au plus 4 : une de chaque lettre (ex : Si, Ne, Ti, Fe).  Au même titre que nous apprenons à parler une langue, nous apprenons à nous servir d’une fonction cognitive.

La toute première est la fonction Dominante. Elle est comme notre langue maternelle : c’est notre fonction point fort que nous utilisons depuis notre plus jeune âge. C’est notre talent que nous exerçons avec beaucoup plus de facilité que la majeure partie des gens.

La seconde est la fonction Auxiliaire. Elle prend le relai de la Dominante lorsque le besoin s’en fait ressentir. Ce n’est pas notre mangue maternelle mais en général nous sommes assez à l’aise avec car nous l’avons développée dans notre jeunesse.

La troisième est la fonction Tertiaire. Celle-là, nous nous en occupons rarement avant l’âge adulte et elle est déjà beaucoup moins mature lorsqu’il s’agit de la mettre en action.

La quatrième est la fonction Inférieure. Elle ne se développe que rarement avant le milieu de vie, souvent à cause d’une prise de conscience d’un déséquilibre. Comme nous l’avons quelque part dans notre arsenal des possibles, quand nous faisons appel à elle, c’est souvent avec une grande maladresse.

Et la course à pied dans tout ça ?

Après ce préambule théorique, regardons comment cela se décline dans la pratique de la course à pied et en quoi ces fonctions cognitives sont déterministes de nos comportements sportifs.

Il va sans dire que nous allons avoir un comportement radicalement différent si la fonction que l’on utilise est en Dominante ou en Inférieure.

Exemple : La fonction Se (Sensation extravertie) permet de donner une dextérité incroyable avec ses mains (activités artistiques ou techniques) lorsqu’elle est en Dominante alors qu’elle donnera deux mains gauches et une intolérance prononcée aux stimuli extérieurs quand elle est en Inférieure.

Vous saisissez peut-être mieux maintenant l’aspect déterministe de la chose :-).

Reprenons les 8 fonctions et déclinons-les par position de la fonction (D = Dominante, I = Inférieure) :

Fonctions de perception

Fonctions de décision

Comment connaître nos 4 fonctions ?

Il vous faut tout d’abord repartir de votre type à 4 lettres. Si vous ne le connaissez pas, je vous invite à passer ce test qui dure moins de 12 minutes (dixit le site) et vous en saurez déjà plus sur votre personnalité : https://www.16personalities.com/fr/test-de-personnalite.

Pour illustrer la découverte de vos 4 fonctions, je vais prendre exemple sur un type pris au hasard : INFP (en fait c’est le mien )

Rappelez-vous, en introduction, je vous avais dit que les deux lettres « extérieures » donnent la couleur des préférences énergétiques des deux lettres intérieures.

La lettre P indique que ma fonction préférée dans le monde extérieur est ma fonction de perception (la lettre N pour moi). Si j’avais eu la lettre J, ma fonction préférée aurait été ma fonction de décision (la lettre F).On en déduit donc que j’ai une fonction d’Intuition Extravertie (notée Ne). OK mais est-elle en position Dominante ou Auxiliaire ? Pour le savoir, regardons maintenant la première lettre …

La lettre I indique que ma fonction Dominante est introvertie. Ça ne peut pas être Ne mais l’autre lettre, en l’occurrence celle portée par la fonction de décision, à savoir Fi, le Sentiment Introverti.

Résumons nous avons :

  • Fi en fonction Dominante
  • Ne en fonction Auxiliaire

Comment en déduire les deux autres fonctions ? C’est facile, ce sont les exactes opposées :

  • Fonction Tertiaire (opposée de l’Auxiliaire Ne) : la Sensation Introvertie Si
  • Fonction Inférieure (opposée de la Dominante Fi) : la Pensée Extravertie Te

Nous avons maintenant toute la hiérarchie des fonctions pour le type INFP comme schématisé ci-dessous (notation reprise de Pierrick YAH) :

En quoi cette hiérarchie est déterministe sur nos comportements ?

Si l’on reprend l’exemple de l’INFP, la dualité Fi Dominante / Te Inférieure induit une identité très forte et un attachement poussé à ses propres valeurs : « j’aime ceci, je n’aime pas cela » (Fi Dominant) … tout en détestant devoir se justifier (Te Inférieur). L’INFP recherchera l’harmonie intérieure et spirituelle  sans avoir à expliquer ses choix ou ses préférences, ce qui le rend assez difficile à suivre par son entourage qui peut le juger égoïste … mais ce n’est pas sa faute, il est comme ça

L’Intuition Extravertie Ne prenant fréquemment le relai du Sentiment Introverti Fi, on obtient un type qui cherche à collecter en permanence des données dans le monde extérieur pour créer des passerelles entre des concepts que la plupart des gens n’imagineraient même pas associer, ce qui induit cette étiquette de « rêveur créatif » qui lui colle à la peau.

Enfin la Sensation Introvertie Si en tertiaire n’étant pas toujours bien mature ou développée, elle permet à ce type de collecter des informations pour une mission donnée mais en étant fréquemment perturbé par toutes les intuitions et nouvelles idées qui fusent à cause d’une Ne un peu trop développé. D’où la grande difficulté pour aller au bout d’un projet avant d’en démarrer un autre, ce qui mène naturellement à un éparpillement désordonné et au chaos …

Pas toujours facile d’être INFP

Côté course à pied ?

L’INFP choisira une course qui a du sens pour lui et lui permettra de rêver (Fi). Pas de rêve = pas de sens = pas de motivation = pas d’envie = « je ne fais pas ».

Sa grande intuition lui permettra de visualiser la course dans son ensemble et de préparer différents scénarios. Il sera très à l’aise en préparation mentale et sera capable le jour J d’adapter son schéma mental en conséquence (Ne).

Il tentera d’être à l’écoute de son propre corps mais risque d’être perturbé par les stimuli extérieurs qui vont générer une activité cérébrale intense et perturbatrice, avec le risque de ne pas être capable de détecter l’apparition d’une douleur sérieuse (Si).

Si les choses tournent mal, il sera en grande difficulté pour expliquer avec clarté ce qui se passe à son entourage et pourra même devenir agressif (Te).

Un exemple avec un grand champion

Prenons maintenant l’exemple de Xavier Thévenard et voyons ce qu’il en est pour lui …

Comme vu dans cet article, Xavier a un tempérament SJ, celui d’un « Gardien ». Il est très organisé et il est très rigoureux dans l’application de son plan d’entraînement. Il est convaincu que l’approche de l’entrainement par la VFC est la plus adaptée pour lui et il se conforme aux analyses de son entraineur quant à l’état de son système nerveux.

Xavier a des valeurs très fortes de liberté et de communion avec la nature qui l’on conduit a créé son propre ultra-trail (l’ultra 01 XT) dans son Ain natal avec des principes qui lui sont chers : seul ou à plusieurs avec des relais libre, liste du matériel obligatoire réduite, ravitaillement volant autorisé et possibilité d’être accompagné sur une partie du parcours (« pacer »). Xavier est très F.

Quant à savoir d’où il tire son énergie, aucun doute qu’il est introverti. Xavier n’est pas à l’aise devant les caméras et préfère passer du temps seul ou en petit comité. Il préfère se retirer de la lumière.

Xavier est ISFJ (« le protecteur »), ce qui donne la hiérarchie de fonctions suivante :

  • Dominante : Si –> grande aisance dans l’écoute de soi et grande capacité à se recentrer sur l’ici et maintenant, ce qui en fait un excellent gestionnaire de course avec une régularité impressionnante dans les résultats.
  • Auxiliaire : Fe –> il aime se connecter au monde au travers de ses émotions et de ses valeurs. Les encouragements du public le galvanise. Il aime s’entourer de proches de confiance envers qui il va pouvoir se confier .
  • Tertiaire : Ti –> sa grande sensibilité et ses émotions peuvent faire écran à son système de pensée et perturber sa lucidité. D’où sa grande intelligence d’avoir délégué tous les aspects technico-tactiques de la course à son coach/entraineur/ostéopathe qui s’occupe de l’analyse de course pour lui.
  • Inférieure : Ne –> moins connu du grand public, son point faible est sa difficulté d’adaptation aux changements de scénarii et sa capacité à développer une intelligence de course stratégique adaptée. Exemple : sa 3e place à la Hardrock 100 en 2016 gagnée par un certain Kilian Jornet qui s’était gentiment installé dans son sillage pendant toute la durée d’une longue montée à mi-course avant de le faire sauter dans la descente suivante.

Tout ceci paraît très déterministe

… mais est-ce pour autant une fatalité ?

La réponse est NON. La fonction Inférieure, comme tout langage, peut s’apprendre et se développer à tout moment de votre vie, à condition d’en être conscient. Et ce qui constitue aujourd’hui une épine dans votre pied peut même devenir un atout avec le temps.

Pour reprendre l’exemple de l’INFP (Fi / Ne / Si / Te), il lui faut apprendre à dégager du temps pour expliquer ce qu’il a en tête et pour le partager avant de dire non ou de foncer tête baissée dans la direction opposée de tout le monde. Il lui faut aussi aller au bout de ses projets et recentrer ses multiples intuitions autour d’une ligne directrice majeure. En course, il lui faut en permanence se recentrer sur l’ici et maintenant pour une plus grande écoute de soi et faire l’effort de partager son analyse de la situation avec son assistance.

Et vous ?

Vous connaissez votre type MBTI grâce au test que vous venez de passer .

Je vous ai indiqué comment construire la hiérarchie de vos 4 fonctions cognitives. Pour les fainéants , vous trouverez toutes les déclinaisons ici : https://acoarecovery.wordpress.com/2019/05/22/mbti-stacks-basics-part-3/#jp-carousel-34056

Grâce à la grille de lecture que je vous ai donnée plus haut vous connaissez vos points forts et vos points faibles, vos talents et vos lacunes, à la fois dans la vie de tous les jours ou dans votre pratique de la course à pied.

A vous maintenant de mener votre propre analyse pour une plus grande connaissance de vous-même

2 réflexions sur « La dynamique du MBTI appliquée à la course à pied »

  1. Bonsoir. Merci beaucoup pour le partage de votre article. Votre explication pour retrouver la fonction dominante demeure très sombre pour moi. Quelle est la règle pour déterminer la fonction dominante de tous les 16 types. S’il vous plaît, donnez toutes les explications terre à terre pour nous les nuls. Merci beaucoup.

    1. Bonsoir Jules. Je tente cette explication :

      – Prenez la dernière lettre du type, elle donne la préférence extravertie
      – Si c’est J, alors la 3e lettre devient extravertie. Jung dit que la 2e lettre est alors introvertie. Dans le cas d’un INFJ, on obtient F extravertie (3e lettre) notée Fe et N introvertie (2e lettre) notée Ni.
      – Si c’est P, alors c’est la 2e lettre qui devient extravertie. Et la 3e lettre est alors introvertie. Dans le cas d’un ENFP, on obtient N extravertie (2e lettre) notée Ne, et F introvertie (3e lettre) notée Fi.

      – Ensuite, parmi ces 2 lettres (la 2e et la 3e), l’une est dominante, l’autre auxiliaire.
      Reprenons l’exemple de INFJ qui a un couple moteur (Fe, Ni) et de ENFP qui a couple moteur (Ne, Fi).
      Pour savoir celle qui est dominante, on regarde la 1ere lettre qui donne l’énergie dominante.
      – Si c’est un I, la lettre introvertie est dominante. C’est le cas de INFJ avec son couple (Fe, Ni). Donc Ni est dominante et Fe auxiliaire.
      – Si c’est un E, la lettre extravertie est dominante. C’est le cas de ENFP avec son couple (Ne, Fi). Donc Ne est dominante et Fi auxiliaire.

      Est-ce plus clair ?

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