Si l’on décide de prendre le départ d’une épreuve d’endurance – marathon, trail, randonnée au long court – l’une des clés pour aller au bout sera de préserver nos pieds aussi longtemps que possible. Certains attrapent des ampoules après seulement quelques kilomètres et vivent un enfer, d’autres n’ont strictement rien après des dizaines d’heure à martyriser leurs pieds. Non, ce n’est pas la faute à malchance. Un pied, ça se prépare ! Explications …
Les ongles
Peut-être la partie la plus « glam » de cet article
Qui n’a jamais eu cette mine de dégoût en retirant ses chaussettes après une sortie engagée à la vue de l’état de ses ongles, cassés ou noirs ou les deux ? Beurk … Et après, pour traiter ça, c’est tout un bonheur – jusqu’à parfois percer l’ongle pour soulager la pression et évacuer le sang accumulé (on parle d’hématome sous-unguéal). Pour la procédure, voir ici ! Il faut savoir qu’il faut entre quatre à six mois pour qu’un ongle se régénère complètement. Donc si on peut éviter ce genre de situation, c’est mieux.
Est-ce une fatalité ?
Oui et non.
Oui parce que même les meilleures chaussures les plus protégées avec le pare-pierre le plus efficace du marché ne pourra rien contre un coup de pied violent contre un rocher. Et là, c’est le carnage !! En trail, ce genre de situation est monnaie courante, particulièrement sur les courses en montagne. Quand je repense à ce coureur en tongs dans cette descente carrément hostile pour les pieds de la Hourquette d’Allans lors du GRP 2018, je reste perplexe …
Non parce que l’on peut aussi prendre des mesures de prévention pour se prémunir d’une autre source d’hématomes : les frottements ou les micros-chocs.
Déjà dans le choix des chaussures … prendre impérativement une taille au-dessus de sa paire de running habituelle pour courir une heure entre midi et deux. Parce qu’au bout de quelques heures, le pied gonfle à cause des liquides lymphatiques qui s’accumulent dans les membres inférieurs. La cause principale est posturale, elle est à imputer à la mécanique de la marche/course elle-même qui empêche ce fameux « retour veineux » de se faire convenablement. Il faudrait régulièrement s’allonger quelques minutes et surélever ses jambes, mais on a un peu autre chose à faire en course …
Au passage, il n’existe aucune démonstration scientifique prouvant que les chaussettes de compression sont efficaces pour combattre ou retarder ce phénomène. Il n’empêche que, pour en être moi-même adepte, je me sens soulagé lorsque j’en porte. Alors efficacité réelle ou effet mouton ? Je vous laisse juge …
En prenant une taille au-dessus pour vos chaussures de trail, les petits chocs du style « coup de pied dans un caillou roulant qui trainait par là » seront sans incidence car absorbés par le pare-pierre à l’avant de la chaussure. Vos orteils ne sentiront rien et vous aurez nettoyé le chemin à peu de frais :-) Quant aux frottements des orteils, ils seront inexistants tant que votre pied est bien calé dans la chaussure.
Pourquoi ne prend-on pas deux pointures au-dessus alors ?
Parce que tout est dans le maintien du pied par le laçage : si en serrant à fond, votre pied bouge encore dans les descentes, vous n’aurez peut-être pas d’ongle noir mais vous direz bienvenue aux ampoules !!
Le laçage est donc important : personnellement, je laisse lâche en montée pour décompresser le pied et je resserre bien en descente pour maintenir le coup de pied stable dans la chaussure. Cette petite manipulation est largement jouable sur un trail long en montagne qui nous verra passer des heures sur les chemins.
Et les ongles eux-mêmes ?
Faut-il les couper à ras ? Les laisser longs ? Faut-il les couper la veille ou pas ? Je vous cite mon podologue :
Un ongle se coupe en suivant la forme de l’ongle, pas tout à fait à ras et surtout pas trop loin dans les coins pour ne mettre la peau à vif. Pour être sûr d’avoir le temps de récupérer d’une séance de pédicure un peu trop zélée, programmez cette séance une semaine ou deux avant votre objectif pour laisser le temps à l’ongle de « reprendre sa place ».
Enfin quand vous coupez dans les coins, prenez soin de ne pas laisser d’éperon (un coin qui rentre dans la peau), sinon vous augmentez les chances d’une infection en plus d’être très douloureux. Si malencontreusement vous en avez oublié un et que vous courez avec, la conséquence quasi immédiate est le panaris. Si vous le prenez à temps, ce n’est pas grave, il suffit de se confectionner des « poupées » imbibées d’alcool et de les laisser des heures entières sur la zone infectée et ce plusieurs fois par jour jusqu’à disparition de l’infection. Pour en savoir plus, voir ici.
A oui, dernière chose sur les ongles, une bonne façon de voir si les ongles sont bien coupés : il suffit de s’assurer qu’ils n’entrent pas en conflit avec les orteils voisins. Si ce n’est pas le cas, peu de chance qu’ils provoquent des dégâts.
La peau
Difficile d’anticiper l’apparition d’ampoules sous les pieds, conséquences d’un échauffement excessif local, tant les causes sont multiples et variées. On peut toutefois réduire les risques en prenant quelques précautions.
Le site ameli.fr donne une bonne explication de la genèse et de l’évolution d’une ampoule : l’épiderme se met à frotter localement sur le derme qui s’échauffe et subit des lésions. Afin de protéger le derme contre ces agressions répétées, l’épiderme se détache et un liquide séreux clair est produit pour protéger le derme lésé. On obtient alors cette fameuse cloque que tout le monde a connu au moins une fois dans sa vie.
Que faire quand l’ampoule est déjà formée ?
Je vous pose la traditionnelle question que tout bon coureur s’est déjà posée : faut-il la percer ou pas ?
Si la session running ou trail est terminée et que l’on en est la phase « constatation des dégâts », l’idéal est de NE PAS la percer. En effet, le liquide séreux aide à la cicatrisation. En perçant l’ampoule, vous doublez ou triplez le temps de régénération de la peau et si vous ne protégez pas correctement la plaie, vous risquez l’infection. Oui mais vous me direz c’est douloureux !! C’est vrai !! L’idéal est de pouvoir mettre des tongs ou des chaussures n’aggravant pas l’irritation locale, mais vous pouvez déjà mettre un pansement type « double-peau » pour protéger.
Maintenant, si vous êtes arrivé à votre base de vie et que vous venez de retirer vos chaussettes parce que vous avez cette douleur gênante au pied qui traine depuis déjà deux heures, même une simple Compeed ne fera pas l’affaire : l’excroissance augmentera le frottement, même avec un pansement et la situation va dégénérer.
Dans ce cas, oui, il vaut mieux percer… mais pas n’importe comment s’il vous plaît !!!
- Prendre une aiguille désinfectée à l’alcool, percer délicatement l’ampoule et tamponner le liquide séreux avec une compresse stérile
- Autant que possible ne pas enlever la peau (épiderme) qui servira de premier rempart
- Désinfecter avec un produit antiseptique
- Protéger avec un pansement hydrocolloïde (Duoderm, Urgo…)
Autant dire impossible à faire seul vu l’état de propreté et d’humidité dans lequel on est baigné en trail. A faire faire donc par l’équipe de podologues mise à disposition par l’organisation, ou par nos accompagnateurs préférés s’ils sont équipés de tout ce matériel et que la file d’attente chez les podologues est encore moins tolérable que l’ampoule elle-même …
Et en prévention ?
Pour commencer, on va chercher à assouplir l’épiderme et lui donner moins d’accroche en appliquant régulièrement une crème à base de Beurre de Karité qui va nourrir la peau et lui donner un aspect plus lisse et plus malléable. Les frottements ne se feront plus entre l’épiderme et le derme mais entre la chaussette et l’épiderme qui aura été préparée à subir les pires frictions.
Le produit le plus connu est la crème NOK d’Akiléine, disponible dans tous les magasins de running ou dans les pharmacies.Deuxième traitement de fond à réaliser : on va chercher à donner de l’épaisseur à l’épiderme pour la protéger contre des attaques de type arrachement et déchirement. Si, si, c’est tout à fait possible quand les pieds sont fatigués et que l’on est amené à traverser des zones peu hospitalières comme des pierriers ou des lapiaz.
Pour cela, encore un produit connu de chez Akiléine qui fera l’affaire : TANO. Ça se présente sous forme de Spray à pulvériser une fois par jour sur toutes les surfaces du pied susceptibles d’être maltraitées.Autre astuce pour les adeptes des produits naturels : se frotter un demi citron sur l’épiderme. Cette méthode a été testée par notre ami Vincent en préparation de la Transpyrénéa 2016 (encore une course bien barrée au passage ). Avertissement: âmes sensibles, ne cliquez pas sur le lien
Exemple de protocole à réaliser au moins deux semaines avant l’objectif visé (idéalement un mois) :
- Matin : spray tannant ou massage au citron sous chaque pied. Patienter cinq minutes le temps du séchage.
- Soir : crème assouplissante en massage sous chaque pied avant d’aller se coucher.
Les effets secondaires
Oui, il y en a et il vaut mieux les connaître pour ne pas être surpris. Au bout de trois semaines d’un tel traitement, vos voutes plantaires vont devenir jaunâtres, type « j’ai marché dans un truc pas net » et vous pourrez toujours frotter sous la douche, ça ne partira pas !!
Autre effet assez ennuyeux, votre peau est tellement souple et lisse qu’elle ne va plus accrocher au sol. Du coup, gare aux gamelles sur le carrelage en marchant pied nu. Ne riez pas, c’est du vécu
Faut-il appliquer de la crème NOK le matin de la course ?
Oui mais pas trop ! C’est-à-dire à peine plus qu’un des matins précédents pour laisser le temps à la peau d’absorber la crème avant le départ. Si vous en mettez trois tonnes en vous disant « comme ça je suis sûr d’être protégé », vous allez empêcher votre peau de respirer et générer très vite dans les chaussettes une humidité abondante qui sera un facteur aggravant pour … le formation des ampoules !! Pas glop
Ce protocole est-il vraiment indispensable ?
Pour partager mon expérience, sur le GRP 2018, à la fin de la première journée, je sentais une irritation sur la face interne de chacun des talons. La nuit était tombée et je ne voyais pas grand-chose. J’ai retiré mes chaussettes, appliqué de la crème NOK et enfilé des chaussettes propres. Ça n’a pas vraiment eu d’effet au final : l’irritation était toujours là. Tant pis, j’ai fait avec…
Une fois à l’arrivée – c’était en plein après-midi – j’ai tout enlevé pour voir. J’avais deux crevasses béantes de chaque côté. Le genre de blessure qui provoque un « joli » sursaut au premier abord ! Et pourtant je ne sentais qu’une douleur très légère, largement supportable. Localement la peau était très épaisse et malgré les morceaux de peau arrachés, le derme n’était pas à vif. Sans ce traitement de fond pour obtenir une peau très solide et très résistante, je n’aurais probablement pas vécu le même GRP.
L’importance des chaussettes
On a parlé choix des chaussures, mais celui des chaussettes est tout aussi important : ce sont elles qui vont être en contact avec notre peau. Il est donc fondamental de tester à l’entrainement la tolérance de nos pieds aux différents tissus et différentes mailles qui existent sur le marché. De même, ne jamais enfiler des chaussettes neuves pour prendre le départ d’une course. Au même titre qu’une paire de chaussures doit se faire à notre pied, les chaussettes doivent avoir travaillé avant le grand jour pour détendre et éroder localement un peu le tissu.
Et un dernier point auquel on ne pense pas naturellement : toutes les chaussettes ne vont pas avec toutes les chaussures. En effet, parfois une couture de la chaussette tombe pile sur un des œillets des lacets et là c’est l’ampoule assurée. A tester donc …
Personnellement, j’utilise des paires double-épaisseur de chez Thyo. C’est plus épais, mais les frottements sont déjà en partie absorbés par le glissement des deux couches de la chaussette l’une sur l’autre avant de venir impacter l’épiderme. Couplées à des Hoka One One Mafate Speed 2, ces chaussettes me donnent entière satisfaction : pour mes pieds à la fois larges et courts, l’ensemble est très cohérent et passe avec succès sur à peu près tous les terrains.
Après cet article très glam que, j’espère, vous n’avez pas lu au moment de passer à table – remarquez tout de même que je me suis abstenu de mettre des photos à vomir – il est temps de prendre soin de vos pieds comme de vos meilleurs compagnons de route !
Très intéressant comme article, comme toujours. Et ça tombe bien puisque je recherchais un protocole pour préparer mes pieds à ce qui m’attend. Entièrement d’accord avec toi pour les chaussettes, le seul problème est qu’il est difficile de trouver des chaussettes en pointure 50
Merci Yann Bonne préparation pour le GRP !!
Bonjour,
Faisant beaucoup de randonnée sportive, est-ce qu’un Panaris sur un doigt de pied peut-être possible ?
Merci
Bonjour
Oui ça peut arriver en effet. À soigner en enroulant l’orteil d’une compresse stérile imbibée d’alcool et laisser agir pendant 30′ à 1h. A renouveler 3 fois par jour.