Cas d’école pour l’analyse de la VFC

Je vous l’avais promis dans cet article sur la mesure de la VFC au quotidien, je vous propose aujourd’hui de voir quelques effets physiologiques classiques que l’on peut rencontrer dans la vie d’un coureur.

Commençons par planter le décor. La fin du mois de mai approche. Se profile à l’horizon mon premier week-end choc avec 85 kilomètres au programme en trois jours avec la reconnaissance de la deuxième moitié des 100 Miles Sud de France. Un beau programme en perspective. Côté entrainement, j’ai fait ce qu’il faut pour arriver fin prêt mais c’est sans compter sur tous les aléas de la vie qui vont me mettre des bâtons dans les roue …

La semaine précédente, j’ai eu beaucoup de sollicitations à gérer, de l’administratif, assurer mon rôle de papa comme il se doit, des rendez-vous à placer au chausse-pied dans un emploi du temps calé au millimètre, des changements de dernière minute qui ont le don de m’irriter terriblement, sans compter la maison qu’il faut faire tourner quand même sinon on ne peut plus rentrer dans la salle de bains à cause de la pile de linge sale qui barre son entrée ou on ne sait plus quoi faire à manger parce que le frigo n’a pas été rempli à temps !! Et puis, et puis … la projection indispensable dans l’organisation de ce fameux week-end que j’attends depuis si longtemps. Bref, une charge  mentale de dingo qui a rogné sur mes nuits et a dégradé considérablement mon sommeil. Au passage – digression – quand j’entends que ce concept de « charge mentale » est associé au genre féminin, ça me fait doucement rigoler – fin de la digression…

J’arrive finalement le jour J complètement éreinté, mais je garde confiance parce que je sais que ce genre de week-end amène toujours son lot de surprises et que je peux très bien renverser la tendance en me remettant la tête à l’endroit.

Ça démarre mal …

Je boucle mon sac à dos : 6kg avec l’eau. C’est un peu lourd pour courir mais pas possible de faire moins. J’emmène avec moi tout ce qu’il faut pour être autonome sur quatre jours. Je dormirai en refuges dans lesquels j’emprunterai draps, couvertures et serviettes et pour l’eau, je pars avec une réserve de un litre et demi et je ferai le plein en sonnant chez l’habitant.

Je quitte Toulouse en début de matinée sous un soleil radieux. Je laisse ma voiture au port d’Argelès-sur-mer après trois heures d’une route sans histoire et je me mets en attente du bus qui m’amènera d’abord à la gare routière de Perpignan avant d’attraper une correspondance pour Arles-sur-Tech.

Ce bus n’en finit pas de faire des tours et des détours de chaque village traversé. Il n’est pas à l’heure et la chaleur accablante couplée aux violentes rafales de vent échauffe les esprits un peu trop alcoolisés de certains bien campés au fond du bus. Sale ambiance, crispante même. Je rate l’arrêt de Arles et doit remonter un kilomètre sur une route départementale très fréquentée.

Au moment de me lancer dans mes premières foulées pour sortir de Arles, je ne suis pas dedans : le sac est lourd, je suis tendu, voire inquiet face à ce qui m’attend. Je suis encore crispé de cette pénible journée de transport. Il est 17h. Je dois rejoindre le premier refuge avant 19h et j’ai quand même 8km et 800m de D+ à faire, donc il ne va pas falloir trainer.

Je fais 300 mètres et là patatra … je m’étale de tout mon long sur une piste large et plate sans aucune difficulté. Je gueule, j’hurle, je saigne, j’ai mal, je m’en veux … mais qu’est que t’es *** ma parole !!!

On se calme … Premier check-up : ça saigne sur le genou droit, le coude droit et mes deux mains sont amochées. Des douleurs dans le poignée gauche et un genou droit bien enflé : un bel hématome s’est formé, au touché je ne sens même plus ma rotule … pffffff J’appuie doucement un peu partout, apparemment rien de cassé sinon j’aurai fait des bonds de trois mètres. Pas trop le choix, le mieux est de rejoindre le refuge comme prévu. Je nettoierai tout ça sous la douche. Je referai un bilan demain matin et j’aviserai si j’arrête tout ou si je continue.

Mille pensées me traverse l’esprit dans cette montée tortueuse exposée en plein soleil. Les marches naturelles et les racines m’obligent à rester concentré et me permettent un instant d’arrêter de me projeter et de gamberger. J’arrive au refuge juste à temps.

La nuit passe. Je me lève avec une vive douleur au poignet gauche. C’est une entorse. Est-ce que j’arrive à empoigner mon bâton ? Certes avec difficulté mais oui. Le genou a un peu désenflé. J’arrive à le plier. Il est douloureux en descente si je m’engage trop mais si j’y vais doucement ça peut le faire. Pour le coude, ce n’est que superficiel. Et pour les mains, je couvre les plaies avec des gants de cyclistes. Bon bin on y est. C’est parti pour 80 kilomètres et 3500m de dénivelé positif … Je retrouve le sourire :-)  Est-ce que c’est raisonnable ? Probablement pas, mais ça va me faire tellement du bien au moral que l’attraction est trop forte !

Les trois jours du week-end choc

Pour la suite, il fallait s’y attendre, très mauvaises sensations le premier jour. Le sentier est très technique et cassant et je souffre le martyre à chaque franchissement barbare en descente. La montée au Roc de France est une vraie souffrance. Je m’arrête, prend des photos et relativise. J’ai la chance de pouvoir continuer et je ne donnerai ma place pour rien au monde. J’avance comme un escargot mais l’étape est assez courte – 18 km pour 1200m D+. La redescente vers Las Illas bascule sur des grandes pistes côté espagnol et j’arrive pour la première fois à courir. J’avale toute la descente en une heure et me surprend à arriver à 13h au terme de cette première étape. Là je passe une bonne partie de l’après-midi au lit, soit à dormir, soit à lire allongé. Du repos, du vrai, enfin !!!

Je fais une nuit de quasiment douze heures et je ne suis plus le même homme. Le moral est de retour, l’énergie aussi. Le genou, j’en fais mon affaire. Je me fais des massages du poignet et j’empoigne le bâton très facilement maintenant. Les deux étapes qui suivent font respectivement 26 et 32 kilomètres. On alterne pistes larges et sentiers très techniques. Les deux descentes du dernier jour sont dantesques, mais ça passe bien malgré un cumul de 2000 mètres en dénivelé négatif. J’ai retrouvé la forme. Je suis heureux Je finis tout de même fatigué sur les derniers hectomètres longeant la plage d’Argelès, mais une fatigue saine … Le bruit des vagues et des mouettes me mettent en joie. Et cette vue permanente du Pic du Canigou – point culminant des Pyrénées Orientales – et de la Méditerranée que l’on sent à portée de main tout au long des trois jours m’a émerveillée ! L’impression d’être le trait d’union entre ces deux géants …Tout ce décor planté pour quoi ?

… Pour se focaliser maintenant sur les mesures de VFC (Variabilité de la Fréquence Cardiaque) que j’ai réalisées sur cette période de deux semaines et en donner du sens.

Quelques chiffres et courbes

Pour comprendre les courbes à suivre, le mieux est déjà de recaler dans le temps tous les événements décrits précédemment :

  • 20 au 24 mai (lundi au vendredi) : ma semaine « je cours partout »
  • 25 au 28 mai (samedi au mardi) : projection enfin dans mon week-end (intendance, logistique, sac …)
  • 29 mai au 2 juin (mercredi au dimanche) : le week-end lui-même
Commençons par la VFC …

Pour donner quelques repères, quand je suis stone je suis autour de 45 et je peux dépasser 60 en grande forme.

Dans la semaine du 20 mai, je tiens le choc, surpris même d’avoir un 55 le jeudi alors que je passe ma journée du mercredi à faire le taxi. Je ne la mesure pas le vendredi mais c’est déjà nettement moins bon : je me lève cassé. Arrive le week-end où je me peux enfin m’occuper de moi et le dimanche 26, je me traine toute la journée (49 mesuré au levé). Je n’arrive plus à avancer. Je me fais des longues sessions de méditation pour me recentrer mais ça me demande un vrai effort.

Quand je me lance dans mon week-end choc, je ne prends pas de mesure le mercredi, jour du voyage Toulouse-Arles avec la chute le soir, ni le jeudi, jour de l’étape du Roc de France où les sensations sont très mauvaises. Si je l’avais fait, j’aurais probablement été autour de 50 ou moins.

Après une bonne nuit de 12 heures, je refais une mesure le vendredi et j’obtiens 57, puis 56 le samedi et 52 le dimanche. A noter que la nuit du samedi au dimanche au Col de l’Ouillat a été plus courte : départ plus tôt car l’étape était plus longue et il fallait ajouter le voyage retour à faire en voiture. Cette nuit là était plus agitée et j’ai dormi deux heures de moins.

Le graphe :

Un œil sur la Fréquence Cardiaque au réveil

Toujours pour donner des repères, lors d’une coupure hivernale longue je suis à 65. A la fin de l’été après des centaines d’heures passées en montagne, je suis à 48.

Il est intéressant de noter que ces mesures ne sont pas forcément corrélées avec celles de la VFC. Pas trop de surprise la première semaine, c’est similairement stable. En phase 2, ça se dégrade de manière continue. J’accumule les mauvaises nuits à gamberger et le rythme cardiaque est directement impacté. Même si je n’ai pas pris de mesure le matin du voyage vers Arles, à la sensation, c’était sûrement un des pires jours de la quinzaine. Puis on voit qu’en phase 3, le rythme redescend très progressivement. Rien de spectaculaire – beaucoup moins en tout cas que la VFC – mais assez pour être perceptible.

Et le niveau d’énergie ?

Au global, je suis à 500 quand je suis à plat et ça peut monter à plusieurs milliers après des séances de yoga très énergisantes. Deux éléments à noter dans le graphe suivant :

  • l’excitation qui monte juste avant de partir malgré une FC qui se dégrade et une VFC en baisse,
  • le niveau global d’énergie qui s’écroule au fur et à mesure du week-end.

L’effet excitation est bien mis en valeur par le graphe suivant qui décrit l’état de mon « accélérateur » (système nerveux sympathique).Quant à l’état du « frein » (système nerveux parasympathique), il est assez faible en phase 1, puis s’écroule en phase 2 avant de retrouver des couleurs après cette fameuse nuit de 12 heures en phase 3. Sans surprise, le week-end choc rogne drastiquement sur son efficacité. D’ailleurs l’un des effets pervers de ce genre d’enchainement d’efforts est de mettre complètement à plat le système nerveux et en premier lieu le parasympathique dont la tâche principale et le retour au calme de chacun de nos organes.

Les leçons à en tirer

  1. Le stress à répétition auquel notre organisme est exposé dégrade ET sa capacité à répondre aux sollicitations ET son niveau d’énergie. Vous pourrez suivre le meilleur des plans d’entrainement qui soit, avec un rythme de vie à courir partout, votre corps va inexorablement s’épuiser.
  2. Le sommeil a un rôle fondamental pour atteindre un pic de forme. Il est l’élément numéro un de la récupération. Avant un grand objectif, il est indispensable de se programmer des plages de sommeil conséquentes et d’introduire des siestes ici et là. Pour ceux qui courent après le temps comme moi, la sieste flash, c’est magique !!!
  3. Le niveau d’énergie n’est pas un bon indicateur de l’état de forme. Vous pouvez déborder d’énergie – excitation à l’idée de réaliser une activité motivante – tout en ayant un organisme très fatigué. L’inverse est vrai également : vous pouvez vous lever sans envie, ni énergie et pourtant votre corps sera prêt à mettre le turbo si vous le lui demandez. C’est juste que la perspective de votre journée ne vous motive pas du tout
  4. Les week-end choc ont pour effet d’adapter l’organisme aux efforts longs. Ils vont permettre de baisser la fréquence cardiaque au repos en plus de préparer tout l’appareil musculo-squelettique aux efforts à répétition. Mais ils mettent le système nerveux complètement à plat. Il est indispensable de respecter un temps conséquent de récupération avant de remettre l’organisme en charge. On appelle cette phase la « surcompensation« . Pour ma part, après une semaine complète de repos – à part une sortie vélo d’une heure en endurance fondamentale et des séances de yoga – j’avais une VFC à 60 et une FC à 49.

Bonne préparation et rappelez-vous : prenez soin de vous !!!

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