GRP Ultra Tour 2022 arrivée

GRP Ultra Tour 2022 – Le récit – Episode 1 / 5

On va aller directement à la fin : j’ai terminé ce GRP Ultra Tour 2022 en 38h51 en ne faisant que gagner des places.

Si on regarde le suivi du petit bonhomme sur LiveTrail, on pourrait dire que c’est une course parfaitement maitrisée. Ceux qui me connaissent pourraient dire « comme d’habitude ». Je pourrais me servir de cette expérience pour faire mon malin et donner des leçons à tout va.

GRP Ultra Tour 2022 LiveTrail

Alors OUI cette expérience va alimenter de nombreux articles à venir sur mon blog et va nourrir mes suivis de préparation mentale car elle a été extrêmement riche de ce point de vue là.

Mais NON, cette course n’a pas grand-chose de maitrisée. J’ai plutôt eu l’impression d’embarquer à bord d’un bateau qui prenait l’eau de toute part et d’être sur le pont en permanence pour gérer les urgences les unes derrière les autres et rester à flot.

Récit…

Ce premier épisode va nous emmener du départ à Vielle-Aure jusqu’à La Mongie au 31e kilomètre.

GRP Ultra Tour 2022 Le profil de Vielle-Aure à La Mongie

Première montée au col de Portet… et première frayeur (GRP km 15)

Le départ

5h du matin. Je me sens serein sur la place de Vielle-Aure quand le départ est donné au son de Viva la Vida de Coldplay. Pas de boule au ventre. Une envie d’en découdre même. J’attends ce moment depuis si longtemps. Comprenez bien que je suis en train de toucher le Graal et que je n’ai pas l’intention de le laisser s’envoler. Pour moi, le GRP Ultra Tour représente LA course à faire un jour. Et donc à terminer. Dans mon échelle de valeurs, je ne vois rien au-dessus.

J’embrasse une dernière fois mes parents postés sur le bord de la route et intègre le pack des 450 coureurs qui foulent les 2 kilomètres d’asphalte en faux-plat montant jusqu’à Vignec.

GRP Ultra Tour 2022 départ
crédit : grandraidpyrenees.com

Oui mais problème… Je ne tiens pas le rythme.

Au bout de 500 mètres, je suis lâché et bon dernier. Je perds mètre après mètre. Une voiture vient même s’intercaler. Sensation très désagréable de ne pas être à ma place. A Vignec, j’ai 50 mètres de retard. Séb, un ami engagé sur le 40 kilomètres qui partira 3 heures plus tard et venu m’encourager à cette heure matinale, me tape dans la main et masque sa surprise de me voir en si fâcheuse posture. Je rationalise en me disant que j’ai fait 0 course à pied traditionnelle durant ma préparation, d’où mon absence de vitesse. J’y reviendrai dans un prochain article.

Pla d’Adet

La suite ne me rassure pas. Jusqu’aux Granges de Lias, la montée en lacets sur piste large est facile. La visibilité n’est pas bonne. Il bruine et le crachin vient moucheter les verres de mes lunettes. Ca ne m’empêche pas de voir les frontales devant moi se raréfier sur les virages qui me surplombent. Je fais route commune quelques temps avec 2 types qui s’étaient arrêtés pour se changer puis je les perds quand la pente devient plus raide aux abords du Pla d’Adet.

Je pense au Covid contracté début août et dont je garde encore des séquelles (toux persistante). Serait-ce lui le responsable de cette bérézina ?

GRP Ultra Tour 2022 Pla d'Adet
La station du Pla d’Adet
Pistes VTT Saint-Lary
Sarrat de Matte en haut de la piste bleue de droite

Premier temps de passage en croisant la route de la station. 6h45. Déjà. Pile sur le temps prévisionnel du dernier coureur. Il fait nuit noire. La pluie fine et la faible visibilité commence à entamer mon moral. Ne pas se désunir et continuer à contrôler le cardio pour ne pas qu’il s’emballe.

A Sarrat de Matte, le haut de la station, les nuages se dissipent un peu et je vois d’autres coureurs quelques centaines de mètres devant. Même allure que moi. Arqués sur leurs bâtons, ils ne paraissent pas au mieux. Je retrouve un peu espoir. Je regarde ma montre : 7h15. Seulement 2 minutes de rabe sur le temps prévisionnel du dernier coureur.

Punaise Séb, que le temps passe vite !

Le col de Portet

Prise de conscience

La pente s’inverse jusqu’à la cabane de Tortes. Je suis plutôt bon descendeur alors je ne m’économise pas et m’emploie pour prendre une marge qui me permettrait d’aborder la dernière montée plus sereinement. Je me sens facile et double 4 personnes. Arrivé en bas, tout de suite un coup d’oeil à ma montre. 7h22.

Quoi ? Que 6 minutes d’avance ! Je n’en ai repris que 4 alors que j’ai déposé les autres. Mais, mais… Séb, ça va être short !

Je me retrouve face au premier juge de paix de ce GRP. Le fameux col de Portet et ses dernières rampes à plus de 30%. Je vois une dizaine de personnes scotchées dedans. J’aperçois le sommet, si proche. Je fais mes comptes. La barrière horaire est à 8h20 à Merlans. Il faut 10′ pour descendre du col de Portet. Je dois donc y être avant 8h10. Il reste 2 kilomètres et 400 mètres de dénivelé. Il est 7h30. J’ai 40′ pour y arriver. Ca veut dire une vitesse ascensionnelle de 600 mètres / heure. Ça, c’est pour la théorie…

GRP Ultra Tour 2022 Cabane de Tortes
Les rampes pour monter au col de Portet

La panique

Jusqu’à présent, je n’arrivais pas à dépasser 550 m/h sans me mettre dans le rouge. Mais à quoi bon gérer si je ne passe pas la première barrière horaire ! Alors je fais une entorse à mes principes de gestion prudente et passe à 600 m/h. Un coup d’oeil au cardio : 158 alors que je cible 150 pour ne pas entamer les réserves. Tant pis. Pas le choix.

7h45. Un coup d’oeil à l’altimètre me montre que je n’ai grimpé que 120 mètres au lieu des 150 nécessaires.

Mais qu’est-ce qui cloche dans mes calculs ???

Rapidement, je comprends que c’est la vitesse ascensionnelle instantanée de ma montre qui est surévaluée et qu’il va falloir monter encore d’un cran.

700 m/h. Le cardio grimpe à 162. C’est encore trop lent. 800 m/h… 850 m/h. Le cardio s’emballe à 172. Je sens un début de lactique dans les mollets. Je plafonne. Impossible d’aller plus vite. Je dépasse haletant les 5 coureurs devant moi qui n’avancent plus. Je la vois cette ligne virtuelle de mise hors course pas très loin devant. J’ai la trouille. Ça ne peut pas se terminer comme ça, pas au bout de 15 bornes !!! Les larmes me montent aux yeux.

Mais POURQUOI ???

Alors, je prie. Je prie très fort l’Univers de me venir en aide.

L’espoir

Et la solution me vient dans la dernière rampe. Une trace à gauche à la corde alors que le fléchage de la piste est plus large à droite. Je suis cette trace. C’est plus raide mais plus court. Chaque mètre compte. Je pousse comme un dingue sur les bâtons. J’ai les mâchoires serrées et le regard de feu.

Il FAUT que ça passe !

La pente s’adoucit enfin. Les quelques spectateurs présents tiennent un discours optimistes quant à la barrière mais je lis l’inquiétude sur leurs visages.

Le col… enfin ! Verdict de la montre : 8h08. Je sais maintenant que ça va le faire. Il me reste 12 minutes pour rejoindre Merlans. Je me retourne pour jauger cette pente qui m’a tant fait souffrir. Je vois cette ligne de mort imaginaire à quelques dizaines de mètres, mais personne entre elle et moi. Que les autres sont loin. Pensées pour eux qui vont devoir mettre le clignotant si prématurément.

GRP Ultra Tour 2022 Col de Portet
Le col de Portet

Merlans

Je respire un grand coup, lève mes yeux embués pleins de gratitude et me lance à l’assaut de ce dernier segment. Je lache les chevaux sans prendre de risque. Merlans apparaît enfin sur ma droite en même temps que 2 autres coureurs que je laisse sur place. A l’entrée de la terrasse, cette fameuse ligne d’espoir surveillée par André, le maitre des lieux. A sa gauche, les serre-files Marie et Nicole que je n’espérais sincèrement pas voir. Arrivé à 20 mètres, je lève les bras au ciel. Ils m’acclament comme si j’étais finisher. Je leur rends un grand sourire de soulagement, entends le bip de la délivrance et regarde ma montre… 8h17. Trois minutes… C’est tout ce que j’ai pu préserver avant que la porte ne se referme derrière les deux chanceux qui me suivait.

Le maitre du temps arrive à en sauver un autre qui termine sa descente à tombeau ouvert – mais comment a-t-il fait ? – et c’est terminé. La course est désormais close sur le 1er tronçon.

A peine le temps de se ravitailler qu’il va falloir repartir à la lutte. La prochaine barrière est à 12h45 à La Mongie. Jamais je n’ai eu une conscience aussi aiguë du temps qui s’écoule. Déjà 3h20 de course. Je n’ai rien vu passer. Je suis exténué, les émotions à fleur de peau et le palpitant au taquet. Que c’est mal embarqué cette histoire !

GRP Ultra Tour 2022 André Ory
André, le maitre du temps à Merlans

La traversée aller du Néouvielle… le couteau entre les dents (GRP km 31)

Aperçu du tronçon

Elle consiste en une nouvelle grimpette sur un sentier de plus en plus technique jusqu’au Col de Bastanet qui culmine à 2509 mètres, une descente particulièrement difficile dans des pierriers en passant devant le refuge flambant neuf de Campana, puis le franchissement de l’épouvantail des lieux : le Serpolet, une montée infâme avec des rampes à 35% dans l’herbe et une descente piégeuse aux mêmes  attributs. Lors de la précédente édition du GRP, le premier wagon d’abandons s’était formé après son passage.

GRP Ultra Tour 2022 Le profil zoomé de Vielle-Aure à La Mongie

 

Le col de Bastanet

En quittant Merlans, je passe mon temps à me retourner. Je gagne mètre par mètre sur mes amies les serre-files jusqu’à ne plus ne les voir. Il y a donc plus lent que moi.

Je n’arrive pas à me remettre de mes émotions. Le cardio monte très vite et j’ai bien du mal à retrouver mon souffle. Je ne perds pas une seconde. Tant pis pour les photos. Petit regret alors que les paysages sont sublimes. Pas de pause, on enchaîne, encore et encore. Je double quelques âmes errantes. Je sais déjà qu’elles ne passeront pas La Mongie.

Affolé, je grimpe le Col de Bastanet au ralenti sans toutefois arriver à maîtriser le cardio. La peur est toujours là. Je fais le point au sommet : 9h55, soit 5′ d’avance sur le temps prévisionnel du dernier. Je soupire d’agacement.

Toujours pas dans le coup après 5h de course, Séb. Grrrrr !

GRP Ultra Tour 2022 Col de Bastanet
Le col de Bastanet – Crédit : de-bassan.com

Le Serpolet

Arrive enfin la première vraie descente. Un chantier sans nom au milieu des éboulis. J’aperçois une cohorte de coureurs se débattant à perte de vue avec les cailloux. Je souris. Je vais enfin pouvoir m’exprimer.

Les gars me voilà !

Et je m’élance très concentré dans les franchissements à répétition. Bien prendre garde à ne pas trop m’engager quand même. Il s’agit d’abord de récupérer de mes émotions. J’enchaine les dépassements, je relance chaque fois que je le peux et j’arrive au pied du Serpolet avec 25′ de marge. De quoi me permettre d’enfin gérer la côte.

Je me fais reprendre par les derniers coureurs dépassés mais je parviens enfin à maitriser le cardio – on court depuis 7 heures. Au sommet, mon matelas a maigri de 10′. Pas grave, je sais que je vais faire une descente propre et efficace.

GRP Ultra Tour 2022 La descente du Serpolet
La descente sur La Mongie depuis le Serpolet

Je déchante rapidement quand je vois l’état du terrain : il bruine et l’herbe couchée dans des pentes vertigineuses transforme le terrain en un véritable toboggan. Difficile de tenir debout. Autour de moi, les chutes se multiplient, heureusement sans gravité. J’en fais autant à mi-pente en manquant un appui qui me fait plonger de 2 mètres dans le dévers. Plus de peur que de mal. Je me relève et repars.

Concentré, Séb. Encore plus qu’avant !

La Mongie

J’arrive pleine balle sur La Mongie avec 30 minutes d’avance sur la barrière horaire mais je voudrais quand même faire un vrai arrêt. Donc pas de temps à perdre.

Je revois mes parents pour la 1ère fois depuis le départ. Je leur plante rapidement le décor. Ils comprennent tout de suite et me font un arrêt digne d’une formule un. En quinze minutes chrono, j’ai changé de T-Shirt, fait un soin des pieds, changé de chaussettes, mangé, bu, refait les niveaux et j’ai même eu le temps de passer aux toilettes. Je repars avec 15′ d’avance sur les barrières. Le combat continue.

La suite du récit GRP Ultra-Tour 2022 dans l’épisode 2 qui nous conduira à Pierrefitte Avatar Séb

 

 

 

 

 

 

4 réflexions sur « GRP Ultra Tour 2022 – Le récit – Episode 1 / 5 »

  1. Salut Séb !
    Le zinzin qui termine à tombeau ouvert à Merlans c’est moi 😉
    J’ai attendu jusqu’au bout du bout un ami qui s’est trouvé mal dans la montée du portet puis j’ai finis en solo pour passer à la barrière avec une confortable avance de 32 secondes !
    Dommage que l’on ai pas eu le temps de discuter un peu.
    Félicitation pour ta performance, et peut être à un de ces jours sur une autre balade du genre ✌️

    1. Hey, c’était donc toi !
      Salut Pierre
      Je me rappelle très bien de toi dans cette dernière côte. Tout le monde était en détresse.
      Bravo pour avoir réussi ce tour de force et à bientôt j’espère !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *