Associer le running et le yoga ? Quelle idée ! D’un côté, nous avons un sport que l’on peut pratiquer librement où bon nous semble, synonyme de liberté et de catharsis des émotions douloureuses. Quoi de mieux que de chausser ses baskets pour se vider la tête. De l’autre, nous avons une activité posée en salle, guidée par un professeur connecté à un Univers qui est parfois (souvent ?) bien étranger au notre. Quelle différence avec toutes les variantes de fitness franchement ? Et pourtant le lien est évident pour qui tente d’associer les deux.
Flash-back
Eté 2016
Après une longue descente de 20 minutes menée tambour battant dans un terrain infâme, je plante mon pied dans un trou au beau milieu d’une prairie aussi traitre qu’accueillante. Une simple entorse me dis-je sur le moment. Je n’ai pu recourir que 9 mois plus tard. Entre temps, je ronge mon frein et découvre le yoga. A l’acceptation d’une situation qui m’était intolérable, je découvre un univers inconnu. J’étais mon propre rempart énergétique à la guérison et à la vitalité. Une longue prise de conscience s’ensuit. Le passage en force ne mène à rien, la volonté seule ne peut rien, la résignation n’est pas non plus une solution. Le yoga pratiqué quotidiennement durant ces longs mois m’a permis une connexion à moi-même. J’ai pu faire 1000 fois le tour du propriétaire, en découvrir les limites, les accepter, les apprivoiser et même jouer avec.
Les mois ont passé. J’ai du faire avec ce nouveau corps bancal qui hurlait à l’idée de se remettre en marche.
Automne 2017
On me diagnostique une hernie discale. Retour dans mon refuge yogique. Intégrer la douleur et la souffrance à la pratique. La tutoyer sans jamais l’alimenter. Juste l’observer comme un nouveau compagnon qui s’est invité à ma table sans prévenir.
Je t’offre donc le couvert mon cher !
J’avais un rêve. Depuis si longtemps, je voulais refaire du trail. Mais pas n’importe lequel. Celui qui va au-delà du marathon. Celui appelé ultra-trail. Je voulais juste passer une nuit dehors dans la montagne, un dossard accroché à la poitrine, comme ça pour voir. Alors que mon corps ne supportait pas l’enchainement de 30 minutes de course d’affilée, je décide de m’inscrire au Tour des Cirques, version 120 kilomètres du Grand Raid de Pyrénées. Peu importe que j’aille au bout ou pas. Je voulais au moins faire partie de la fête une fois. Juste une seule. Un petit tour au milieu des champions, un chant du cygne et puis s’en va. Prendre un grand bol de folie, même quelques heures, et retourner à la vie normale.
Le Yoga comme rééducation pour le Running
Ce rêve si énorme m’a tellement porté, je me suis tellement impliqué que les séances de yoga se sont allongées. J’ai senti des verrous sauter en moi, de nouveaux espaces se créer, des connexions se faire. J’ai vécu un lien fort avec le reste du vivant, avec cette fameuse Source dont parle tant les yogis d’apparence illuminée. Quatre mois après, je termine mon premier trail de 25 kilomètres. Certes, loin, très loin des premiers. Certes j’étais très lent. Mais qu’importe, j’avais réussi mon pari. J’étais juste resté à l’écoute de mon corps. J’avais observé ses limites, je les avais acceptées, je les avais apprivoisées jusqu’à en jouer avec. N’est-ce pas la philosophie du yoga ? N’avais-je pas transposé là cette écoute fine des ressentis à l’effort de course pied. Mon potentiel était peut-être très limité et pourtant ce jour-là j’avais su l’exploiter pleinement. Ce fut une très grande victoire.
Il ne savait pas que c’était impossible alors il l’a fait
Je me pris à y croire. Et si c’était possible ? Et si je pouvais aller plus loin ? De mois en mois, je franchis les étapes une à une, toujours avec cette même bienveillance et cette même application à ne jamais violenter mon corps. Un 55 kilomètres, un 80 même. J’ai souffert certes. J’ai parfois entamé un bras de fer avec mon corps qui protestait :
Ecoute, aujourd’hui, ça sera plus long que prévu. Il fera chaud, il fera sec et il faudra que tu t’adaptes. Je serai le plus doux avec toi, promis !
Même le matin du départ du GRP, je n’avais d’autre ambition que de passer cette fameuse nuit dehors. Aussi quand l’obscurité envahit le Lac des Gloriettes à l’orée du 60e kilomètre, je me pris à sourire de bonheur là où mes voisins s’éteignaient, écrasés par la peur. La suite? Je la décris ici. Un rêve éveillé jusqu’au bout. Même le temps réalisé est tout simplement improbable. Qui aurait parié sur un tel scénario un an avant ? Pas moi en tout cas. Et je suis convaincu que cette passerelle que j’ai construite seul entre le Running et le Yoga a été la clé de voûte de tout cet édifice. J’ai recouvré la santé et bien plus avec le Yoga. J’ai composé une nouvelle technique de Running grâce à la philosophie du Yoga.
Running et Yoga ? Une évidence.
La suite : Running Yogis
Un article dans Esprit Trail. Un encart en bas de page invitant à devenir ambassadeur Running Yogis. Un appel à Pascal Jover plus tard et me voici embarqué dans la grande aventure. Tout ce que j’avais mis en place et imaginé en autodidacte, d’autres l’avaient construit et structuré de leurs propres mains. Et pas n’importe qui !
Bénédicte. Parcours atypique d’une globe-trotter touche à tout. Citoyenne du monde, elle fait de la course son équilibre et du yoga une porte pour entrer en symbiose avec le vivant.
Pascal. Un repenti du système classique. Sportif dans l’âme jusqu’à tutoyer les étoiles en triathlon, il place la connaissance de soi au centre de ses interêts et apporte une caution scientifique au lien entre Running et Yoga.
Souffrance et abnégation
Premier week-end de formation en février 2020 et premières surprises. 3 jours de travail intense sur l’univers des épaules et de la ceinture scapulaire. La cadre idyllique de La Vignollerie de Jonzac n’y fera rien. L’hiver a encrassé la machine et je me surprends à ne pas tenir les postures. Mes limites m’éclatent en pleine figure là où les autres stagiaires semblent plus fluides. Qu’est-ce qui cloche ?
Ne te compare pas aux autres, Séb !
« Rester le temps juste dans la posture » nous assènent Bénédicte et Pascal. Le mien est plutôt court. Certaines postures me sont difficilement soutenables. Mes poignets sont faibles, mes genoux craquent, mes épaules hurlent. Accepter et faire avec ma réalité du moment. Et surtout vivre l’expérience jusqu’au bout malgré l’intensité que je peine à soutenir. Humilité.
Le corps se rebelle
Deuxième week-end : « Le bassin, carrefour énergétique, colonne vertébrale et rectitude du dos » … tout un programme. Le premier week-end n’est plus qu’un lointain souvenir. Le confinement est passé par là. Certains ont jeté l’éponge. Et moi ? J’en suis où par rapport à tout ça. Je ne veux pas décider à chaud.
Et puis quelle belle idée d’être allé voir une énergéticienne quelques jours avant les 3 jours dédiés au bassin ! Retour à Jonzac et son cadre à couper le souffle et mes pensées vont vers ces phrases de ma thérapeute :
Vous verrez, vous risquez d’avoir des maux de tête et des maux de ventre. C’est normal, ce sont les émotions qui se débloquent et circulent.
Ce n’était rien de le dire. Dérouler la troisième matinée à jeun (c’était dans le programme) alors que j’avais une migraine à clouer un cheval par terre m’a achevé. Les idées noires me traversent l’esprit. L’occasion idéale de pratiquer la pleine conscience quand tout part en cacahuète.
Il se passe quoi dans ce corps qui se rebelle ??? Non, Séb, tu ne vas tuer personne aujourd’hui !!!
Encore une fois, faire avec sa réalité du moment. Etre honnête avec soi-même et admettre ses limites. Incapable de tenir le demi-pont, je me résouds à crocheter mes mains sous mon bassin et reporter tant bien que mal mon attention sur ma respiration halletante. C’est tricher ? Non, c’est composer !
Enseigner le Running Yoga ?
Dernier week-end. Proche du précédent alors j’ai encore les idées claires. Je me sens plus en forme. En même temps difficile de faire pire je crois Cette fois, on aborde les appuis et toute la subtilité des ressentis du contact au sol. Les enseignements sont passionnants, moins physiques (en tout cas, je les vis mieux).
Je prends pour la première fois conscience que dans quelques semaines que je vais devenir enseignant de Running Yoga. Suis-je légitime ? Moi qui n’aime pas être dans la lumière, moi qui passe ma vie dans mon mental et qui recherche en permanence le pourquoi des choses, comment vais-je réussir à guider des élèves ?
Tu te vois Séb en train de demander à tes futurs participants d’habiter leur corps alors que tu es dans une bataille permanente pour y parvenir toi-même.
La réponse implacable de Bénédicte m’a cloué sur place :
Vous êtes légitime car aussi infime soit votre transmission à vos élèves, vous leur apporterez déjà beaucoup. Peu importe que vous ne maitrisiez pas tout. Vous arrivez avec votre bagage, vos connaissances, votre style et votre personnalité. Vous leur ferez un beau cadeau.
Merci Béné ! Bon je continue alors
La semaine en immersion
Viens le moment fort de la formation. Malgré tout le casse-tête des règles sanitaires à respecter, nos boss parviennent à dégoter une réservation dans un camping grand luxe à Argelès-sur-mer. A deux dans des bungalows tout neufs, on passe une semaine de rêve. Un peu hors du temps. Les liens se resserrent. Les enchainements de postures mettant à mal le physique et l’égo de chacun laissent place aux mises en situation et aux débats animés sur les points clés à contrôler. Nous endossons pour la première fois le rôle d’enseignant-stagiaire. Projection. Les prises de note se succèdent les unes aux autres. Je ne veux rien rater. Je serai trop heureux de les avoir plus tard au moment de passer sur le devant de la scène.
Le reste de la bande m’élit Délégué à l’unanimité. Quelle drôle d’idée? Moi qui suis probablement le moins connecté de tous et le moins réactif. Je n’oppose pas de résistance et accepte cet honneur. Je suis maintenant un running yogi.
Associer Running et Yoga ? C’est désormais imprégné dans mes gênes.
Ma première fois en tant qu’enseignant Running Yoga
J’ai enfilé mon habit de lumière : un magnifique T-Shirt blanc à l’effigie du réseau. Il est 18h et je viens de me connecter en visioconférence avec Olivia, ma binôme issue de la promo 2019. Pour une première, trouver le bon emplacement chez soi relève du casse-tête. Une chaise trônant sur un bureau en guise de support pour l’ordinateur portable. Un tapis à 5 mètres du bureau pour rentrer dans le champs de vision. La pile de linge propre empilé sur le clic-clac et un lampadaire pour berner l’obscurité de la nuit frappant au velux. Nous sommes fin prêt.
Quatre participants
A la fois peu et beaucoup. Nous aurions imaginé toucher plus de monde mais ça m’a mis un peu moins la pression et faire face aux nombreux problèmes techniques était nettement plus gérable. Merci mes 20 ans d’expérience en ingénierie. On ne se refait pas
Olivia donne le rythme, doux et posé. J’en profite pour m’aligner et mettre de côté mon penchant à toujours vouloir donner des explications. Les laisser vivre une expérience et les inviter à plus de ressenti. C’est tout … et c’est déjà beaucoup. Une heure après un enchainement de postures sur tapis, nous passons à l’inconnu du jour : des exercices de running dans le salon. J’avais préparé des petites vidéos pour palier tout problème technique et nous voilà à guider quatre spécimens dans leurs 5 mètres carrés sur l’inclinaison du buste en avant et en arrière pour sentir les effets sur la vitesse. Je croise les doigts pour qu’aucun deux ne viennent défoncer le vase de mamie ou exploser l’écran de la TV. Le résultat fut beaucoup plus ludique qu’il n’y parait et nous mena au bout d’une heure trente d’une agréable séance.
Les retours en live furent très positifs :
J’ai acheté le livre Yoga pour Runner mais ce n’est pas toujours facile de se représenter les postures et de les exécuter correctement. Grâce à vous, j’ai compris maintenant comment faire et où porter mon attention.
Célina aurait-elle pu nous faire un plus beau retour ? Oui Bénédicte tu avais raison : nous ne sommes pas conscient de l’impact que nous pouvons avoir sur nos élèves. Prendre confiance en soi, être soi et transmettre avec notre réalité du moment tout simplement.
Running et Yoga ? Pour le meilleur … et pour la Vie !
Namasté !
Merci !
Merci pour le partage. La petite graine est semée…
Waw ! Je rêve ! Ton parcours est un bel exemple Seb 😌 merci de ce très beau texte 🙏🏼 Merci infiniment 🌟
Je vais prendre confiance 😇