GRP Ultra Tour 2022 arrivée

GRP Ultra Tour 2022 – Le récit – Episode 5 / 5

Cet article est le 5e et dernier épisode du GRP Ultra-Tour 2022 débuté ici (1er), puis enchainé là (2e) et là (3e) et enfin là (4e).

J’arrive à Merlans, dernier ravitaillement de la course. Je suis dans état de délabrement avancé. Il reste les 200 derniers mètres de D+ à grimper jusqu’au Col de Portet et l’ultime descente de 1500 mètres de D- pour boucler la boucle à Vielle-Aure.

GRP Ultra Tour 2022 Le profil zoomé de Merlans à Vielle-Aure

Le fabuleux accueil à Merlans (GRP km 150)

Cette voix qui couvre toutes les autres, c’est celle d’André, le maître du temps qui veille sur la porte de chronométrage.

Il est là, crie-t-il !

Les cinquante derniers mètres se bouclent sous une salve d’applaudissement. Je me laisse emporter par cette chaleur humaine. Que c’est bon ! Je décide de passer sous silence mon état. Je redoute tellement d’être arrêté ici pour raison médicale. A la question sincère d’André « Comment vas-tu ?« , je réponds « Je n’ai plus rien dans le moteur, mais ça va« . Sobre mensonge qui me permet de garder un sursis et profiter de la liesse du lieu.

André appelle Christian Serres, le coordinateur des baliseurs/ouvreurs/serre-files de la zone Vielle-Aure, pour lui annoncer mon arrivée.

Fais coucou à la caméra !

Je me penche vers le téléphone trônant sur un pied et faisant office de webcam pour saluer avec un grand sourire la terre entière.

Portrait photo

Emporté dans ce tourbillon de joie, François le photographe vient à ma rencontre. En mars, on avait partagé deux jours de shooting photos à Gavarnie et Tournaboup pour un reportage sur le GRP à paraître dans la revue Nature Trail à l’hiver prochain. Je me laisse guider vers l’arrière-boutique de Merlans où François a improvisé un petit studio intimiste.

Reste comme tu es, me dit-il.

Je n’ose imaginer la tête que je fais. Peu importe. Je suis heureux de contribuer. Son projet est génial et je ne doute pas qu’il va tirer des portraits extraordinaires.

Crédit François Laurens – francoislaurens.com/km-150-gueules-dultra-trail

Ce moment d’intimité est une parenthèse d’une force infinie. Je sens monter en moi toutes les émotions refoulées, toute la puissance des moments de vie intense depuis la quarantaine d’heures que je suis en course. Je ne sais plus compter et je m’en moque. Pour les émotions, je les garde là bien au chaud pour les faire éclater plus tard. Je retourne voir André pour une dernière poignée de main et reprend le chemin.

Quelques instants pour écouter mes jambes… je ne sens plus rien.

L’ultime descente sur Vielle-Aure… la mise à nu (GRP km 164)

La difficile projection

Je ne mentais pas vraiment quand je disais que je n’avais plus rien dans le moteur. Les derniers mètres de D+ ne sont certainement pas les plus durs, mais les plus longs. Le corps ne veut plus. J’appelle mes parents pour les informer que je ne peux plus courir, que dans mon état, il me faudra bien 4 heures pour terminer.

Je boîte et la descente est très longue. J’appréhende la bascule au Cap de Pède, à mi descente, que je m’imagine faire à reculons comme je l’ai déjà observé chez un concurrent par le passé. Je me souviens avoir eu pitié de ce coureur et m’étais promis de ne jamais en arriver là. Et pourtant, dans quelques heures, je vais l’imiter.

Je me projette… ça va être interminable. Un déchirement autant physique que mental. J’aurais tellement voulu que ça se passe autrement !

Mais dans quel état tu es !

Le chemin de croix n’est pas terminé et je ne peux retenir mes larmes. Je veux juste finir, c’est tout.

Sportif épuisement

La 1ère décision radicale

Je fais aussi un aveu à mes parents. Cet ultra est mon dernier. C’est trop dur, ça va trop loin, c’est trop d’engagement, de sacrifice. Je ne veux plus de ça. C’est fini, j’arrête. Terminer avec le GRP Ultra Tour est un très  beau jubilé. Je n’aurais espéré plus beau cadeau sportif. Je les remercie profondément pour tout ce qu’ils m’ont apporté dans cette aventure et leur donne rendez-vous sur la ligne d’arrivée.

Surveillez le petit bonhomme sur le profil et armez-vous de patience. La soirée risque d’être longue !

Il est 18h20. La flemme d’enfiler ma frontale. J’aurai mille fois le temps de fouiller mon sac dans la descente.

Revival

Il y a 4 ans, en cette fin d’ascension du col de Portet marquant les derniers mètres de D+ de la course, j’avais appelé Sylvie, ma compagne. Par superstition ou juste pour m’envelopper d’un cocon de douceur, je décide de renouveler l’expérience.

A peine quelques mots échangés, j’ouvre grand les vannes et me liquéfie sur place. Je lui raconte tout depuis Luz et notre dernier appel : la souffrance de ce chemin de croix interminable, ces douleurs insupportables, ce corps meurtri qui ne veut plus mais peut-être pire encore… cette âme qui va rester blessée à jamais, cet égo mis à genou par une force supérieure, cette estime de soi écornée par un défi irréalisable.

Elle me sent anéantie, comme il y a 4 ans au même endroit… Et comme il y a 4 ans, elle trouve les mots pour me remettre la tête à l’endroit :

Tu vas déposer au bord du chemin tout ce que tu as vécu depuis le début. Tu vas t’alléger de tout ça, te mettre à nu. Tu l’as déjà fait et tu peux le refaire. Tu vas serrer les dents, te mettre à courir et tu vas aller la chercher avec la manière cette médaille. C’est la dernière. Tu ne dois pas avoir de regret et c’est à toi d’écrire l’histoire… Ton histoire… Celle que tu voudras raconter à tes petits-enfants plus tard… Et c’est maintenant ! Peu importe le temps qu’il te faudra pour récupérer physiquement, tu t’en remettras. Mais pas d’une blessure à l’âme. Raccroche et fonce !

GRP la descente du col de Portet

La 2e décision radicale

Laissant aller les derniers sanglots, j’appuie sur le bouton rouge et range mon téléphone dans la poche de ma ceinture. L’idée m’avait effleuré l’esprit sans qu’elle ne s’y fraie un chemin, inconcevable. Sylvie a réussi à trouver la faille et a un creusé un trou béant en moi. Me voilà au pied du mur, ou plutôt en son sommet. Une alternative au chemin de croix existe et je mets en marche mon cerveau gauche pour analyser pertes et gains.

Et pourquoi pas ? Qu’est-ce que je risque ? Quel prix je suis prêt à payer ?

OK, je peux me blesser sérieusement. Peut-être que je vais mettre des mois à recourir. Peut-être des années. De toute façon, je n’aime pas ça et je peux facilement vivre sans mettre de baskets aux pieds. Et il existe mille autres façon de se dépenser. Je VEUX finir en apothéose, alors on y va…

L’allumage

Le col de Portet en vue, je me fais doubler par une femme du 80, fringante, l’allure dynamique. Elle se tourne vers ses supporters postés en vue de la descente et leur lance :

Préparez la bière ! Rendez-vous dans une heure en bas !

Je me tourne vers elle.

– Une heure ? T’es optimiste !

– Si je descends comme d’habitude, c’est le temps que je devrais mettre.

Et elle s’élance à vive allure dans les premières pentes de la descente.

Regard de feu

Je repense aux mots de Sylvie et me laisse envahir d’une rage précieuse. La mâchoire serrée de colère, le regard aiguisé d’un épervier traquant sa proie, je m’élance à sa poursuite. Les douleurs se réveillent instantanément. Je ravale un cri à chaque pas et contracte mon ventre. Ma démarche est bancale, mes appuis maladroits. Chaque impact à gauche m’envoie une décharge électrique dans toute la jambe. Je plisse les yeux et serre les dents pour contenir cette douleur intolérable et ne pas la laisser se propager.

La femme me prend mètre par mètre. Quand la pente devient plus douce, elle a déjà 50 longueurs d’avance. Un autre me double comme une balle et la rattrape aussitôt. Pour évacuer la douleur, je souffle bruyamment et augmente la cadence pour diminuer le temps d’impact au sol. Je progresse avec la délicatesse d’une vieille locomotive à vapeur.

Le décollage

Et ça marche ! La douleur est toujours là mais de plus en plus supportable.

Surtout ne pas ralentir, garder le rythme. Je vois le cardio s’envoler, je suis en train de faire une séance de VMA après 38 heures de course. J’aperçois Vielle-Aure tout en bas. Si loin. Baisser la tête et rester dans le match pour ne pas me désunir. Remettre du rythme.

Il n’existe qu’une seule fenêtre, elle est très étroite alors ne la rate pas, Séb !

L’écart avec la femme se stabilise, puis diminue. Je vais plus vite qu’elle. Je la remonte. Nous arrivons à la hauteur d’un coureur boitillant. Elle passe par la gauche, moi par la droite. Je la dépasse… et ne la reverrai plus avant l’arrivée !

J’ai maintenant en vue celui qui nous avais déposé au tout début. Il n’est pas si loin. Ma respiration bruyante me sert d’avertisseur sonore aux coureurs à l’arrêt qui me précèdent et s’écartent à mon approche.

GRP La descente du Pic du Midi

Houston ! On a perdu le contrôle !

Lancé à pleine vitesse , je me sens comme un bolide dont les freins auraient lâché. Je ne peux plus m’arrêter sinon je me disloque. Comment le faire comprendre à tous ceux que je dépasse et qui me regardent avec des yeux ahuris ?

Coincé entre une paroi rocheuse à gauche et le vide à droite, le chemin se resserre en un boyau de tous les dangers. Un groupe de 4 s’engage au pas dans une file vaguement indienne. Satanée loi de Murphy ! Le vacarme de mon arrivée alerte le dernier du groupe qui s’écarte. Les deux suivants l’imitent à un mon cri « JE PASSE A GAUCHE » qui ne laisse aucune place à l’interprétation. Pas le quatrième…

Arrivé à sa hauteur, j’essaie de le contourner dans un mouvement réflexe. Raté. Nos épaules se touchent et je manque de le renverser. Sans me retourner, j’esquisse un geste en guise d’excuse mais je sais que c’est très limite. Ma vitesse me permet à peine d’entendre le juron qu’il lâche à mon égard. Je ne suis pas fier de moi mais que pouvais-je faire d’autre ? C’était lui ou moi.

A la bascule de Cap de Pède, la pente avoisine les 30%. Je m’engage juste derrière mon lièvre que j’ai en ligne de mire depuis le sommet et le dépose au prix d’une descente à tombeaux ouverts. L’engagement est total, les cuisses encore coopérantes. Je remercie les dieux de la météo d’être cléments en ce samedi soir. Le sol terreux lustré par les passages répétés aurait pu être une patinoire sous la pluie.

La mise en orbite

Bis repetita placentmais pas complètement…

Il y a 4 ans, je m’étais mis en concurrence avec les coureurs du 40. Cette année, c’est avec ceux du 80 et ils vont nettement moins vite. Je dispose de  beaucoup moins de lièvres pour tenir un tel engagement sur la longueur. Quand le village de Soulan s’efface, la piste s’élargit et le terrain devient plus morne. Je lève le pied et donne un peu d’air à mon corps, mais chaque baisse de régime relance la douleur dans la jambe.

Le village de Soulan
Le village de Soulan

Il me faut une motivation pour ne pas me désunir avant l’arrivée. Je regarde ma montre et réalise que je vais terminer avant la nuit. Je peux même passer sous les 39 heures. Et dire qu’hier, j’aurais signé des deux mains pour finir en 44 heures ! Je pense à la tête que vont faire mes parents qui vont se sentir une nouvelle fois usurpés , à la douce soirée qu’on va passer ensemble, à la vraie nuit qui m’attend dans mon lit, à Sylvie qui va être fière de moi. Je pense à ceux qui suivent mon petit bonhomme sur le profil LiveTrail et qui doivent se demander s’il n’y a pas un bug !

Tutoyer les anges

Je passe le pont de Bayul marquant la bascule sur le versant de Vignec. Il me reste 25 minutes pour atteindre l’objectif. Ça va être chaud !

Tant mieux, ça va me maintenir en haleine !

Il reste 3 rampes délicates avant d’atteindre le goudron et la marque des 2 derniers kilomètres. Je m’engage comme jamais, plonge les pieds dans le ruisseau, m’éclabousse sans vergogne comme pour laisser l’eau me purifier et dépose tous les coureurs plus délicats qui s’escriment à contourner les obstacles un à un.

Je traverse Vignec sur l’élan. Sur le replat, je sens l’énergie qui me quitte… comme il y a 4 ans. Et comme il y a 4 ans, un ange-gardien apparaît pour me porter jusqu’au bout. Vincent, un ami de la Course d’Orientation et trailer émérite, surgit de nul part et se porte à ma hauteur. Il m’attendait. Pas si tôt à ses dires. J’en souris Il me raconte ses déboires physiques qui l’ont empêché de terminer le 40, tout de suite couverts par cette envie bienveillante de m’accompagner jusqu’au bout.

Ô merci Vincent ! Ta présence est une bénédiction !

L’apothéose

Je saute les marches à l’entrée de la contre-allée de la Neste d’Aure. 1 kilomètre. C’est fini. Il me reste 15 minutes pour terminer avant 20 heures. C’est plié. Je m’autorise à ralentir – ça devrait tenir jusqu’à la ligne. Je savoure. Vincent m’exhorte à laisser aller mes émotions mais plus rien ne sort.

La Neste d'Aure à Vielle-Aure
Le dernier kilomètre

Je me répète à voix haute « C’est bon« . Vincent comprend « oui, tu y es, ça y est« . Je rajoute « c’est bon tout ça« . Tous ces gens amassés le long du chemin avant la tombée de la nuit, ces encouragements de toute part.

J’ai la chance d’être esseulé. Pas de coureur autour de moi. Je ne partage pas le gâteau. Oui tous ces applaudissements sont pour moi. Je m’enivre de ces témoignages d’affection. Je les prends comme tels en tout cas. Ça va passer très vite. Profiter, encore et encore. Au bout de la ligne droite, le pont. Puis une fois le pont passé, ce sera terminé. Alors profite, Séb, comme me le rappelle Vincent !

Extase au paradis

Je ne le remercierai jamais assez de s’être porté à ma hauteur à Vignec. Puis il ralentit et s’écarte. Je lève le nez et vois un caméraman en plein milieu du chemin, pointant son objectif vers moi. A mon approche, il part à la course à reculons. Quelle prouesse !

Il traverse le pont. Je le suis. La foule s’écarte et me fait une haie d’honneur. L’animateur annonce mon arrivée. J’aperçois mes parents hilares dans la foule. Je leur rends un visage béat, me laisse entrainer par la caméra et passe la ligne en levant les yeux au ciel.

Oui toi l’Univers là-haut, je te dois tout !

Je ressens une gratitude profonde.

S’enchainent des embrassades avec Seb et Sylvie son épouse, postés sur la ligne, qui ont fomenté ce joli coup de projecteur sur le tapis rouge, avec mes parents que je suis si heureux de revoir et qui m’ont tellement transmis sur cette course, avec Vincent mon ange-gardien autant surpris que moi de me retrouver à cette heure-là.

GRP Extase à l'arrivée
Extrait webcam LiveTrail

Epilogue 1… les lumières s’éteignent

Je ne veux pas passer derrière le car podium, je veux profiter le plus longtemps possible de cette ambiance incroyable, si festive, si conviviale, si loin des fastes que l’on peut voir au même moment dans les Alpes. Le flux des coureurs me pousse vers la sortie. En voulant me détacher de la barrière, ma jambe gauche se bloque. Je ne peux plus marcher. Le cerveau est en train de refaire les connexions. Je ne sais plus rien interpréter. Trop de signaux. Je sais seulement que ma jambe gauche ne me porte plus.

La bénévole s’approche de moi avec la médaille et me la passe autour du cou. Elle me donne mon sweat de finisher et me félicite. Je m’assois sur les marches du perron de l’école… et ne me relèverai plus. Je ne sais comment mettre mes jambes sans souffrir. Le mieux reste de les garder repliées contre moi. Les genoux semblent être ceux qui râlent le moins dans cette recherche vaine de confort.

Après m’être gavé de melons et de pastèques – délice de fruits frais délicats pour mon palais agressé par 40 heures de malbouffe – gentiment servis par mes parents aux petits soins, impossible de me relever. J’ai pris 50 ans en 2 jours. Mes parents attrapent pépé sous le bras et le traine cahin-caha jusqu’à la voiture.

Mon corps n’est plus que douleur mais mon âme flotte dans un délicieux éther.

Merci Sylvie, ma compagne, mon inspiratrice ! Une fois de plus, tu as su lire en moi et déverrouiller ce qui devait l’être pour que je termine ce jubilé comme une fête. Je n’aurais pas pu supporter de ressasser les regrets d’une fin en eau de boudin. Les blessures de l’âme sont les plus difficiles à cicatriser.

Epilogue 2… un nouvel ultra commence

La convalescence

Un gros mois après, la tendinite de la patte d’oie ne me gêne que pour monter les escaliers.

Côté releveur, l’oedème a quasiment disparu mais je ne peux pas étirer mon pied en pointe sans crier. Le tendon est 5 fois plus gros à gauche qu’à droite. Je peux marcher normalement, mais si j’accélère, je boite.

L’expérience de la nage a vite tourné à la torture : la patte d’oie m’empêche de faire le moindre mouvement de brasse et le releveur bloqué ne me permet pas de battre des jambes. Ça, on passe…

Contre toute attente, le vélo est plutôt agréable. Je multiplie les sorties d’une heure, juste pour prendre l’air. Je peux même monter des petites côtes à condition de mouliner. Quant à la danseuse, je dois être vigilant à bien garder ma cheville à 90 degrés, sinon une vive piquée me rappelle à l’ordre.

Les semaines sont rythmées par des tournées chez le kiné, l’ostéo ou le médecin du sport. Séances toujours intéressantes qui donnent du sens à mon vécu et m’aident à progresser dans mon introspection, autant que dans ma guérison.

GRP convalescence à l'argile verte

Aurais-je pu éviter ces tendinites ?

J’apprends que le Covid contracté 3 semaines avant le départ a créé un terrain inflammatoire dans mon corps. Si je ne voulais pas vivre tout ça, il aurait fallu que je renonce à mon projet. Je dois m’estimer heureux de ne pas avoir contracté une myocardite. Bref, j’ai bien fait de ne rien lire sur le sujet avant de partir, je n’aurais pas eu la chance de vivre cette expérience si intense, si riche, et en même temps si difficile.

Psychologiquement, je suis profondément atteint et mon corps a gardé l’empreinte de cette douleur insupportable. Quand je ferme les yeux et repense à cette traversée du Néouvielle, je pleure. Le mot traumatisme n’est pas trop fort. Les émotions sont ancrées en moi et ressurgissent à chaque image. Quel sera mon rapport à la douleur désormais ?

Epilogue 3… Le dernier, vraiment ?

Sur la place de Vielle-Aure

Dimanche 11h30. Lendemain de la course. J’assiste à la remise des prix avec Séb qui m’a attendu à l’arrivée. Il fait beau. La place est remplie. Je raconte mon histoire à qui veut l’entendre. Je porte ma médaille autour du cou, ce sera la seule et unique fois que je le ferai. Mes parents sont en train de faire la queue pour le buffet de clôture à l’entrée du stade et je les rejoindrai juste après. L’appel du ventre

Puis vient le moment du tirage au sort. Deux superbes lots voués à des finishers du 120 ou du 160. La règle est simple : se manifester dans les 5 secondes ou passer son tour. Attiré par la curiosité, j’observe le jeune Romain, mascotte du GRP, à genoux sur l’estrade, s’efforçant d’entourer des noms les yeux fermés sur les listings étalés au sol devant lui. J’apprécie la prouesse !

GRP La remise des prix
Crédit grandraidpyrenees.com

La tension monte

Robin, l’animateur, le chauffe et l’exhorte à s’appliquer :

Tu m’entoures 3 noms là ! Je prends lequel ?

Il faudra attendre le 4e nom pour qu’une main émerge de l’assemblée sous tension. Le veinard monte sur le car podium et se voit remettre un package complet pour participer à la Diagonale des Fous 2023, dossard, hôtel et billet d’avion compris. Applaudissements ! Robin relance le suspense :

Restez ! Tout n’est pas terminé ! Il vous reste une 2e chance.

Il demande une fille maintenant ! Les noms s’enchainent sans que personne ne se manifeste. Robin continue son influence sur Romain en lui demandant d’explorer le listing du 120 : déplace-toi par là un peu ! On appelle un Sébastien. Je frémis, puis me calme quand le nom diffère du mien. Pas de réaction. Un 2e Sébastien. Puis un 3e… Toujours pas de réaction dans l’assemblée. Serions-nous le prénom le plus représenté ?

GRP Podium
Crédit Photossports.net

Le stylo magique

Un 4e Sébastien est cerclé par le stylo magique de Romain. Robin appelle mon nom. Stupéfait, je lève la main. Tous les regards se tournent vers moi. Je me déplace péniblement vers l’échelle. Brigitte, l’inusable coordinatrice des bénévoles, accoure vers moi et m’enserre dans ses bras. C’est incroyable !

Je monte péniblement les quelques marches qui me séparent du podium. Les sourires à la fois émus et amusés de tout le monde me vont droit au coeur. Je connais la plupart d’entre eux depuis mes expériences de bénévole les années passées. C’est tombé sur moi.

Mais quelle force divine t’a guidé Romain ?

Oui, Séb, je crois que tu ne réalises pas. Je pense à mes parents qui imaginaient passer un moment paisible sur la pelouse du stade, à la tête qu’ils vont faire quand je vais leur annoncer la nouvelle. Etait-ce vraiment le dernier ?

 

~      ~     ~

« Ce qui est important, ce n’est pas ce qui nous arrive, c’est la manière dont on le prend ».

Confucius

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Avatar Séb

6 réflexions sur « GRP Ultra Tour 2022 – Le récit – Episode 5 / 5 »

  1. Magnifique(s) récit(s) ! Merci de nous faire vivre ça avec ta plume, ça me donne presque envie m’y remettre.
    J’ai vraiment adoré ton histoire, j’ai même apprécié la petite frustration de ne pas avoir la suite et d’attendre le mail de notification.
    Bravo pour ta réussite et si je comprends bien pour ta prochaine aventure chez les Fous de la Réunion !
    Bonne récupération et bonne préparation du coup.

    1. Merci beaucoup Boule !
      Je me demande si je ne fais pas ce genre de folie rien pour en faire le récit après
      La convalescence d’abord et les projets ensuite.
      Plein de bonnes choses de ton côté !

  2. Incroyable !!!

    Je n’ai pas d’autre mot …
    On peut se demander si tu ne viens pas tout simplement de nous raconter un rêve !!!

    C’était un réel plaisir Seb de lire tes péripéties (tout comme la plupart de tes articles d’ailleurs). C’est bien écrit et très agréable à lire. J’ai presque eu la larme à l’œil à un moment … Bon ok je suis un peu sensible
    J’ai partagé le lien avec 2 collègues a qui j’ai fait découvrir ton blog, et on attendait à chaque fois la suite de l’histoire avec impatience tout comme on le fait pour le dernier épisode de House of Dragon

    Continue de courir/marcher Seb pour raconter tes histoires et faire partager ta passion.

    T’es sur Toulouse de temps en temps ? On aurait pu manger ensemble un midi, parler de tout et de rien

    1. Salut Sam
      Un grand merci pour ton commentaire ! Hi, hi, c’est rigolo que tu aies vécu cette web-série comme ça ! C’était bien le but initial
      C’est clair que le scénario est incroyable ! Je vais avoir du mal à faire plus dingue tout en restant réaliste dans l’écriture d’une fiction.
      Yep je fais des sauts à Toulouse pour le boulot.
      Contacte-moi sur WhatsApp, histoire de se caler un rendez-vous et prendre le temps de refaire le monde.

  3. Salut
    Jolie récit, et petit clin d’œil d’un des deux trailers qui à taillé le bout de gras avec toi dans la montée du Col de Bareille fait en reco quelques jours avant le grp..
    Encore bravo

    1. Salut Stef
      Oh, génial que tu m’aies retrouvé ! Merci beaucoup pour le commentaire. Je me suis demandé ce que ça avait donné pour vous 2.
      Du coup, tu es celui avec ou sans chapeau ?
      Et ta course ? Tu t’en es sorti comment ?

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